banniere asbo

La fête du relevage

 

Après des mois de préparation, les affaires sérieuses commencent au printemps 1985.

  • Le dimanche 2 juin, l'association Kroaz-hent organise une séance d'essai sur le site médiéval de Leskelen en Plabennec. L'objectif est de mesurer l'effort de traction des tireurs, afin d'en calculer le nombre nécessaire. L'intérêt est aussi de voir comment réagissent les tireurs ensemble, de rôder les équipes, de les synchroniser, et également de tester le chemin de ripage. Tout se passe très bien avec une pierre de 3,5 tonnes et 60 tireurs, ce qui rend toute l'équipe optimiste pour le grand jour.

  • Quelques jours avant la date du relevage, il faut créer le chemin de ripage, en madriers de chêne. Le menhir est positionné dessus, prêt pour le jour J.

 

  • Le 15 Août, tant attendu depuis de longs mois, 10 000 spectateurs se pressent sur le site, après plusieurs kilomètres à pieds pour certains. A partir de 14 heures commence l'en-cordage du menhir, et le graissage du chemin de ripage.

  • Vers 16 heures, avec l'aide de la troupe de théâtre Ar vro Pagan, on voit arriver bardes, druides, cavaliers, et vierges (fausses?) en robes blanches. La pierre, couverte d'un dais jaune, est saluée par des incantations destinées à en faciliter le levage.

 Les 400 tireurs, hommes et femmes, arrivent. On attribue à chacun son rôle, et tous ont le droit ensuite à leur dose de potion magique, dont la recette est toujours inconnue à ce jour. Ce qui est sûr, c'est que beaucoup auront mal à la tête le lendemain ! Ce n'est qu'après qu'ils sont mis sous les ordres d'Yves Priser, maître de la manœuvre, et capitaine de la meilleure équipe de tire à la corde du Nord Finistère. C'est lui qui a estimé qu'on pouvait compter une force de 25 kg par personne, en effort continu.

  •  

  • 17 heures: 800 mains saisissent les cordes et « hâlez les petits ! ». Dès 17h05, le menhir est dans la fosse de réception sous les applaudissements nourris.

  • Les organisateurs installent le portique à l'arrière de la fosse, afin de donner de l'angle aux cordes de relevage pendant la première partie de l'opération. Et attention, échelle interdite pour monter passer les cordes à son sommet ! Escalade obligatoire comme à l'époque du premier levage de la pierre.

  • La phase cruciale peut commencer. Les 400 Obelix se mettent à tirer: crissements, grincements, craquements assez inquiétants du portique construit avec des poteaux téléphoniques en bois. STOP ! On arrête de tirer. Le menhir n'a pas bougé. A cet instant, le doute s'installe dans l'esprit de plusieurs organisateurs. Le portique n'a pas le droit de casser. Il n'y en a aucun de secours, et sans portique, levage impossible ! Et demander à 10 000 personnes de rentrer sagement chez elles sans avoir vu le spectacle pour lequel elles ont payé : impossible! Au moins dans les temps anciens, ils n’avaient pas le stress de la réussite à tout prix, pour plaire aux spectateurs.

On décide donc de réajuster sur le portique les cordes qui se sont distendues sous la traction des tireurs. Elles sont fixées un peu différemment pour ménager le portique fragilisé.

  • A 18h10, le menhir décolle, le portique résiste, malgré des bruits assez sinistres, et à 18h15 la pierre est levée à la verticale, sous les vivats du public, qui avait eu le droit à sa petite dose de suspens.

Le menhir de Prat Ledan se dresse à nouveau dans le ciel Plabennecois
comme quelques milliers d'années auparavant.

 

Toute la soirée d'autres potions magiques coulèrent à flot, et nul musicien ne fut bâillonné.