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Lever un menhir à l’ancienne, un projet fou ...

ou de fous ?

mais surtout une première mondiale !

 

« Que de projets ne fait–on pas quand on se retrouve le soir entre copains autour d’une table ?

les rêves les plus fous peuvent devenir délire collectif ».

 

Voici le coup de tête ou coup de cœur de l’association Kroaz-Hent en 1983:

RELEVER UN MENHIR DE VINGT TONNES ET DE SEPT METRES DE LONG,

celui de Prat Lédan (Plabennec), couché depuis la fin du 19e siècle , et abandonné là, en trois morceaux près d’un des rares talus épargnés par le remembrement » .

 

Les principaux artisans du projet ont pour nom : Alphonse Peton, passionné d’archéologie et l’un des moteurs du projet, Marcel Thépaut, Jacques Bleunven, Alain Le Roux, Bernard Calvez et bien d’autres têtes pensantes.

Pour plonger encore plus dans le délire ces jeunes et joyeux Plabennecois constituent au départ deux comités : la SILL (société Intercommunale de levage lourd) favorable au levage à la grue et le comité des réactionnaires, préférant eux le levage à la main. Les seconds ont gagné. Ils cherchent dans les vieux livres des illustrations indiquant les techniques de levage dans l’antiquité. Mais il n'y a sur le sujet aucune certitude. Les hypothèses concernant le procédé de levage de menhirs ne manquent pas. Il existe même à Rennes la maquette d’une « machine à mâter les menhirs », exposée au Musée de Bretagne. Cependant, force est de constater que, si en théorie ces hypothèses semblent plausibles, aucune tentative « grandeur nature » n’a jusqu’à présent été effectuée.

La solution que les organisateurs Plabennecois proposent emprunte beaucoup à ces diverses hypothèses émises et ne prétend aucunement être "La Technique » utilisée au Néolithique. Ils retiennent le principe d'un chemin de roulement pour faire glisser le menhir dans une fosse, puis les cordes, le portique et la force humaine pour le lever. Les jeunes techniciens reprennent donc leur manuel de physique et effectuent les calculs de forces, pendant que d’autres fantasment sur la mise en scène du levage : tireurs en peaux de bêtes, femmes avec les fouets, festins de sangliers, potion magique, etc...

Mais ils veulent faire les choses sérieusement , et ils contactent donc la direction des Antiquités historiques et Archéologiques à Rennes ainsi que l’archéologue départemental de l’époque Mr Le Goffic. Ceux -ci interviennent comme conseillers et s'assurent également que le projet ne dénaturera pas le monument lui-même, ainsi que son environnement. Une étude approfondie de l'historique de ce menhir est donc réalisée dans un premier temps, en recherchant des écrits sur son emplacement passé et actuel.

 

Le menhir de Prat-Ledan : présentation

Le menhir se situait au village de Prat-Ledan, a peu de distance d’une ancienne voie romaine se dirigeant vers Ploudaniel puis Kerilien en Plouneventer.

Carte de Plabennec
Les points noirs représentent les tumulus de l’âge du bronze
Le signe x indique le site médiéval de Lezkelen

Description du menhir

Le menhir représente un poids total de 19 tonnes et mesure 7,30 mètres de hauteur. Il se rattache de part sa composition au granite de Kersaint.

Aperçu généalogique

La roche constituant le menhir est un granite provenant d’un faciès septentrional du massif granitique de Kersaint. Ce faciès s’étend géographiquement sur une bande Est-Ouest depuis le Sud – Est de Saint-Méen jusqu’au Drennec en passant par le Sud de Trégarantec et Ploudaniel (L. Chauris, 1965, 1980).C’est un granite porphyroïde à gros cristaux de microcline (1-3 cm), les autres minéraux essentiels étant le quartz, le plagioclase (oligoclase) et le mica noir (biotite).

Ceci donne à penser que le menhir a probablement été extrait dans le voisinage, contrairement à certains autres que l’on sait avoir été déplacés sur au moins dix kilomètres.

Au sommet de la roche, une cavité visiblement réalisée de main d’homme révèle une tentative de christianisation à une époque inconnue. Sur l’une des faces du menhir une croix gravée apparaît très nettement.

Avant que ne s’opère les travaux de remembrement sur la commune de Plabennec, le menhir se situait à 4 800 mètres au N-88° E du clocher de Plabennec et à quelques dizaines de mètres seulement de la limite séparant cette dernière commune de sa voisine Kersaint-Plabennec. Déstabilisé depuis bien longtemps, il gisait à demi-renversé contre le talus délimitant deux parcelles de terre, sur l’un des points culminants de ce coin de Plabennec (à la côte + 75) .

L’existence du menhir a eu une incidence directe sur les microtoponymes du village de Prat-Ledan puisqu’en 1831, neuf champs étaient désignés sous le nom de « Goarem ar menhir » (section D. Etat des sections de Plabennec , 1831)

Extrait du plan cadastral de Plabennec en 1831
Les croix représentent les parcelles nommées « goarem ar menhir »
Le rond noir représente l’emplacement initial du menhir
  • Il a depuis très longtemps retenu l’attention des amateurs d’antiquités puisque, dès 1835, M. de Fréminville l’avait reconnu et signalé dans l’un de ses ouvrages :

« ……A un quart de lieue de la croix des Trois-Recteurs, on voit dans un champ de genêt un menhir à demi-renversé, longue aiguille granitique de 18 pieds de hauteur. »

Fréminville. « Antiquités du Finistère » 1835 pages 252-253.

 

  • Quelques années plus tard, en 1876, le bulletin annuel de la société Archéologique du Finistère le signalait également : « ….A un kilomètre de la croix des Trois-Recteurs, on voit dans un champ de genêt, un menhir à demi-renversé , haut de 6 mètres » .

 

  • En 1913, dans le « Kannad Plabennec » (revue mensuelle publiée par la paroisse) du mois de mai, on trouvait cette mention :

« … e Plabenneg, e goarem ar men-hirr (section A, n° 310, peulvean hag en doa daou droatad varn-ugent anter ( 7m50) a huelder ha pemzec troatad tro a reaz ann douaz. Er bloas 1882 e kouezas d’an douar hag e torraz e daou anter ».

Kannad Plabenneg n° 5 Miz Mae 1913

 

  • En fait, la situation du menhir en 1913 n’était pas exactement celle que décrivait le “Kannad Plabenneg » puisqu’en 1911 le bulletin de la société Archéologique du Finistère publiait un article intitulé « première contribution à l’inventaire des monuments mégalithiques du Finistère » dans lequel Mr A. Devoir donnait ces précisions concernant le menhir de Prat-Ledan :

« …un seul menhir m’est connu dans ce canton (celui de Plabennec) ; c’est celui de Guevroc, situé à 4 000m au N 88°-E du clocher de Plabennec. Il est fortement incliné vers le Nord et paraît avoir été frappé par la foudre ; sa hauteur devrait être de 5m40. Sauf vers le sommet dont un fragment important s’est détaché, les formes sont régulières. Les affleurements rocheux les plus voisins sont distants du menhir de plusieurs centaines de mètres, ils appartiennent au granit de Kersaint ».

 

  • Cependant, son état inspirait des craintes ainsi qu’en témoignent ces quelques lignes publiées en 1922 dans le bulletin annuel de la société citée ci-dessus :

« le menhir de Plabennec, dont on pouvait craindre la disparition, s’élève encore à 3 mètres au-dessus du sol avec une inclinaison de 30° »

 

Ces craintes étaient justifiées puisque quelques années plus tard le fragment qui s’était détaché se brisa en deux morceaux.

Le village de Prat-Lédan et les terres environnantes.
Plan dressé d’après le cadastre de 1973. Section ZH.

Lors des opérations de remembrement, le menhir ainsi que les fragments brisés furent déplacés d’une centaine de mètres, afin de ne pas gêner les travaux agricoles . Il se situe à ce moment en bordure de chemin.

C’est à cet endroit que l’association Kroaz-Hent se propose de le relever le 15 août 1985 à force de bras.

Près du menhir, une petite stèle portant un plan du secteur, indiquera la position initiale du monument.